DEUX “BÉBÉS” NÉS DANS LES CAMPS DE DÉPLACÉS EN ITALIE ET EN ALLEMAGNE SE RETROUVENT, 79 ANS PLUS TARD

DEUX “BÉBÉS” NÉS DANS LES CAMPS DE DÉPLACÉS EN ITALIE ET EN ALLEMAGNE SE RETROUVENT, 79 ANS PLUS TARD

Il arrive parfois, lors d’un voyage Valiske, que l’histoire prenne vie sous nos yeux. Hier, dans le cadre de notre parcours dans les Pouilles, nous avons vécu l’un de ces moments rares...

🇮🇹 Santa Maria al Bagno – sur les traces d’un lieu de renaissance

Samedi, notre groupe est arrivé dans le paisible village côtier de Santa Maria al Bagno, au sud de Lecce. Ici, entre 1943 et 1947, s’est écrit un chapitre méconnu mais essentiel de l’histoire juive d’après-guerre.

Le camp de déplacés n° 34, installé dans les villas de bord de mer, a accueilli jusqu’à 2 300 survivants juifs de la Shoah.
Ces hommes, femmes et enfants y ont reconstruit une vie : écoles, ateliers, cantines casher, synagogue, hôpital, clubs sportifs, fêtes et mariages.

Plus de 400 mariages y furent célébrés, et environ 250 enfants naquirent dans les maternités du camp de Leuca — symbole éclatant de la vie retrouvée.

Les réfugiés participaient aussi à l’Aliyah Bet, l’immigration clandestine vers la Palestine sous mandat britannique.
En 2005, la commune de Nardò, dont dépend Santa Maria al Bagno, a reçu la Médaille d’or du Mérite civil pour l’accueil exemplaire offert à ces réfugiés.

Nous avons visité le Museo della Memoria e dell'Accoglienza, qui conserve des photographies, des archives et des fresques bouleversantes de l’artiste Zvi Miller, lui-même réfugié du camp.

Là, nous avons découvert l’histoire d’un accordéon offert par la famille d’Esther Hertzog (née Rosenthal) : un instrument qu’une famille locale avait échangé contre de la nourriture à l’époque, et qu’Esther a voulu restituer au village.

🎬 Le lendemain, au Museo Ebraico - Jewish Museum Lecce, nous avons visionné un extrait du documentaire israélien "Shores of Light", réalisé par Yael Katzir.

Ce film retrace le retour de trois femmes nées dans les camps de déplacés du Salento, venues retrouver les lieux où leurs parents avaient reconstruit leur vie après la guerre.

L’une d’elles est Esther Hertzog.

On y voit les souvenirs, les visages des villageois, les traces de fraternité et d’espoir qui ont marqué ces années.

Et soudain, à la fin de la projection — surprise !
(un grand merci au musée pour ce cadeau !)

✨ Esther Hertzog elle-même était là, dans la salle, élégante, souriante, généreuse dans le partage de son histoire.

Mais ce n’était pas tout : dans notre groupe se trouvait aussi Mendel Goldstein, né la même année — 1946 — dans un camp de déplacés à Berlin.

Les camps de déplacés (DP camps) en Allemagne furent établis par les Alliés à partir de 1945 pour héberger les survivants juifs libérés des camps de concentration.

Berlin comptait plusieurs de ces camps, administrés par l’UNRRA (United Nations Relief and Rehabilitation Administration) puis par la Jewish Brigade et le Joint Distribution Committee.
Ces lieux étaient à la fois des refuges et des centres de reconstruction communautaire : on y créa des écoles, des journaux en yiddish et en hébreu, des groupes de théâtre, des cours d’agriculture et surtout — des maternités.

Des milliers d’enfants y naquirent entre 1945 et 1948, symboles d’une vie qui reprenait après la destruction.

C’est dans ce contexte que naquit Mendel Goldstein, qui deviendra plus tard diplomate et directeur du CCLJ de Bruxelles, engagé toute sa vie pour la mémoire et le dialogue interculturel.

La rencontre entre Esther et Mendel fut magique : deux “bébés” nés à deux mois d’écart dans les DP camps, deux symboles d’une même renaissance.

🎥 Shores of Light – Réalisation : Yael Katzir
A voir ici : https://youtu.be/qS78ae9JCSI?si=cTjipXvUaK8HqBXk

Texte écrit par Lloica Czackis, Directrice de l'agence Valiske.