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"Guerrilla" au Festival d'Automne de Paris
"Guerrilla" au Festival d'Automne de Paris
"Guerrilla" au Festival d'Automne de Paris

La compagnie El Conde de Torrefiel proposait dans le cadre du Festival d'automne de Paris à la Maison des métallos une expérience théâtrale singulière, avec une pièce intitulée "Guerrilla" dont les interprètes varient en fonction du lieu de représentation et dont le texte projeté sur un écran durant tout le spectacle, est adapté en conséquence.

Ainsi, cette performance théâtrale varie selon les histoires vécues par ses interprètes (non professionnels pour la majorité) et évoque différents moments de violence survenus au cours de l’histoire récente.

Pour la représentation que nous avons vue, l'histoire tourmentée Européenne, sa place et ses liens aux grandes puissances mondiales sont interrogés au travers de bribes d'histoires intimes individuelles. Des allers-retours, entre passé, présent, futur, font osciller l'Histoire entre réalités et fictions concentrées autour des années 2027- 2032.

Car la compagnie se plaît à jouer sur  la plasticité du temps -centralité de son propos- en adoptant un son, un texte, des corps en mouvement : un passé vu au futur, ou un futur évoqué au passé, en trois scènes, trois temps différents :


ainsi la première
met le spectateur face à un public assis en conférence en langue italienne... pendant que nous autres découvrons en lisant les histoires individuelles de quelques-uns d'entre eux... une superposition se fera au fur et à mesure entre ce qui nous est dit d'eux et leur lien à l'Histoire mondiale passée ou à venir, ou fictive. Le procédé invite le spectateur à combler avec ses propres références, connaissances, sa propre histoire celle proposée, écrite, projetée. Le polythéisme matériel est d'une totale plasticité, de fait.

 

En second temps
Une classe de Taï-Chi où la quête d'une paix intérieure associée à la lenteur se trouve agacée par une musique classique au piano en total décalage : impossible occident en recherche d'une spiritualité asiatique ancestrale ou fascination portée-exportée par l'exclusive présence de femmes ? ( L'avenir de l'homme ou son passé déjà ?)

 

Transition au troisième et dernier temps

Une session de musique électronique où les bouchons d'oreille donnés à l'entrée de salle s'avèrent bien utiles...
Si d'aucuns reconnaissent ici l'espace des boîtes de nuit où règne la musique techno, moi j'y ai vu la rave party à quelques encablures de Gaza.
Ils sont jeunes, ils sautillent, tous nous tournent le dos et durant 25 minutes rien ne les arrêtera dans ce martèlement musical où chacun vide sa tête, où la sueur imprègne l'atmosphère, où les mains s'agitent au bout de bras levés, signal d'une vie qui se vit jusqu'au bout des doigts, probablement en chantant, en hurlant jusqu'au bout de la nuit... et, rien rien n'arrêtera à ce moment là, ma vision. Celle de toutes les horreurs possibles, celle d'une fête de la paix terminée dans un bain de sang, celle d'un Bataclan où jamais je ne pourrais mettre les pieds tant il est entaché de cette mémoire collective du sang versé dans une guerrilla qui n'en finit pas.

Impossible dans ce contexte, pour moi, au moment de cette représentation, d'échapper aux réflexions dramatiques, contextuelles, nées de ce qui se vit au Moyen Orient.

Chacun des spectateurs est confronté à lui même dans le dilemme de ses pensées, de ses tensions.

"Guerrilla" dit qu'il ne s'agit ni de religion ni de politique dans ce futur, en 2027. Il s'agit juste de la domination de l'économie, de son règne total. Toutes les décisions et alliances des Puissants répondent à cette nécessité. Cette logique et aucune autre, ne peut se prévaloir d'un pouvoir autre.

Ce qui n'est déjà plus fictionnel depuis longtemps. Non? N'appelle-t- on pas déjà cela : "le dessous des cartes"?

 

Serait-ce là la forme renouvelée de ce que l'on appelait "le théâtre-action" dans les années soixante-dix, née de la réflexion à faire face, à s'armer pour lutter contre l'oppression imposées par les dictatures que vivaient les peuples d'Amérique latine?

Ce qui est certain, c'est que cela fonctionne assez pour que la salle entière sidérée au bout de cette heure quinze de représentation laisse s'installer durant quelques longues minutes un silence en forme de blanc total dans la salle demeurée obscure un temps rideau baissé...
Il fallu ces longues minutes, sans que personne ne vienne saluer car, après tout, nous tous dans un autre temps, une autre dimension... nous n'étions pas "au spectacle", mais bien intrinsèquement devenus acteurs de cette performance théâtrale jouant notre propre partition, pour chacun singulière, pour nous tous universelle.

Cet universel, s'est rappelé à l'ordre avec un retour à la réalité ordinaire d'une salle de spectacle : quelques maigres applaudissements et des spectateurs pressés se lèvent pour quitter le champs de la fiction. Puisque personne ne viendra saluer. Il n'y aura aucun salut possible.

 

Il aurait été intéressant de savoir qui pouvait mettre des mots sur ces maux... Ce que chacun avait vu, vécu, senti, découvert...

J'ai eu besoin de quelques heures de recul pour digérer cette heure quinze. À la question de mon amie, à chaud, je n'ai pu, je n'ai su, répondre. Est- ce que cela m'a plu?
CELA.
Cela ne laisse pas indifférent.

Cette performance théâtrale fait sortir de sa zone de confort. Le temps me dira si comme ce fut le cas pour une autre pièce ("Le regard du sourd" mis en scène par Bob Wilson- 1971), elle me marquera assez pour l'inscrire au panthéon de mes expériences vécues de théâtre.

Merci Lara pour cette découverte.

Tag(s) : #SOC!ÉTÉ
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